COUR D'APPEL DE LIÈGE
              PREMIÈRE CHAMBRE
              RÉCUSATION 
              ARRÊT du 24 octobre 2011
              2011/RG/1509
              EN CAUSE:
              1. BRIX Françoise, domiciliée à 5081 SAINT-DENIS-BOVESSE, 
                rue du Vieux Chemin des Isnes, 18,
                2. GOFFIN Benoît, domicilié à 5081 SAINT-DENIS-BOVESSE, 
                rue du Vieux Chemin des lsnes, 18,
              parties requérantes,
              assistées de Maître GRAINDORGE Michel, avocat à 
                1040 BRUXELLES, Av. Commandant Lothaire, 11,
              En présence de:
              Monsieur le Procureur général, en la personne de 
                Mr Nicolas BANNEUX, Substitut du procureur général 
                délégué, en son parquet, palais de Justice, 
                place St-Lambert, 16 à 4000 LIEGE,
              présent;
              Vu les feuilles d'audiences du 17/10/11 et de ce jour.
              APRÈS EN AVOIR DÉLIBÉRÉ
              Vu la requête en récusation de Françoise 
                BRIX et de Benoît GOFFIN à l'encontre de Philippe 
                OLIVIER, juge d'instruction à Namur, déposée 
                au greffe du tribunal de première instance de Namur le 
                29 août 2011 et signée par maître Michel GRAINDORGE, 
                avocat inscrit au barreau depuis plus de dix ans;
              Vu la déclaration du 6 septembre 2011 par laquelle Philippe 
                OLIVIER refuse de s'abstenir ;
              Vu les conclusions du procureur général déposées 
                au greffe de la cour le 29 septembre 2011;
              Vu les conclusions déposées au nom de Françoise 
                BRIX et de Benoît GOFFIN à l'audience du 17 octobre 
                2011.
              Antécédents
              Le fils des requérants est décédé 
                le 28 février 2007 à la clinique Ste Elisabeth à 
                Namur,
              Ceux-ci ont déposé plainte avec constitution de 
                partie civile en main du juge d'instruction OLIVIER contre des 
                médecins travaillant dans cette clinique, soit, notamment 
                contre le médecin orthopédiste, le docteur D. A.
              Dénonçant l'inertie du magistrat instructeur et 
                sa participation, du 23 novembre au 2 décembre 2008, à 
                un voyage au TOGO avec des avocats dont le frère du médecin 
                précité, ils ont déposé une requête 
                en contrôle de l'instruction, le 25 juin 2010.
              Après avoir entendu le juge d'instruction, la chambre 
                des mises en accusation - précisant que « il (le 
                juge d'instruction) s'était trouvé au Togo en même 
                temps que Maître A. avec d'autres avocats et magistrats 
                et ce, à l'occasion d'un voyage académique, ce qui 
                rentre dans la sphère strictement professionnelle et ne 
                permet pas de mettre en cause l'impartialité ou l'apparence 
                d 'impartialité du juge d 'instruction » - a constaté 
                que «l'instruction ne présente pas de retard auquel 
                il y a lieu de remédier » et a décidé, 
                par son arrêt du 27 septembre 2010, de mettre un terme au 
                contrôle entrepris.
              Considérant que le juge d'instruction avait trompé 
                la chambre des mises en accusation en déclarant qu'il s'agissait 
                d'un voyage académique et que d'autres magistrats participaient 
                à ce voyage, les requérants estiment ne plus pouvoir 
                lui accorder leur confiance.
              Ils ont fait part de leurs inquiétudes auprès du 
                président du tribunal de première instance de Namur 
                et ont saisi le Conseil Supérieur de la Justice qui, en 
                date du 12 juillet 2011, a invité le président du 
                tribunal de première instance de Namur à recueillir 
                les observations du magistrat instructeur.
              Les requérants considèrent que les conditions prévues 
                par l'article 828,1 du Code judiciaire sont réunies et 
                demandent la récusation, pour suspicion légitime, 
                du juge d'instruction Philippe OLIVIER.
              Discussion
              L'impartialité et l'indépendance d'un juge d'instruction 
                doivent être totales à l'égard des parties, 
                de sorte qu'il ne peut s'exposer au soupçon de partialité, 
                que ce soit à charge ou à décharge.
              Ces valeurs font, certes, partie de l'essence d'un Etat de droit 
                mais le principe d'efficacité de la justice justifie le 
                caractère exceptionnel et le formalisme de la procédure 
                en récusation.
              Les exigences relatives à la forme de la requête 
                visées à l'article 835 du Code judiciaire ont été 
                respectées en l'espèce.
              L'article 833 du Code judiciaire dispose que celui qui veut récuser 
                un juge doit le faire avant le commencement des plaidoiries, à 
                moins que la cause de récusation ne soit survenue postérieurement. 
                Cette règle est d'ordre public.
              La requête en récusation introduite sur des faits 
                sur la base desquels il eût été loisible au 
                demandeur de proposer la récusation antérieurement 
                entraîne l'irrecevabilité de la demande.
              L'article 833 du Code judiciaire ne prescrit pas de délai 
                exprès dans lequel doit être proposée la récusation 
                lorsqu'elle est dirigée contre le juge d'instruction mais 
                il ressort des termes et de l'esprit de cette disposition que 
                la récusation doit être proposée aussitôt 
                que la cause qui la fonde est connue de la partie qui s'en prévaut.
              Le droit de récusation est en lien avec les droits de 
                défense. Or, le droit de défense d'une partie signifie 
                le droit de s'exprimer dès que ses intérêts 
                sont mis en péril et de critiquer la procédure dont 
                le déroulement est de nature à la préjudicier 
                dès qu'elle s'aperçoit qu'un fait est de nature 
                à porter atteinte à ses intérêts.
              Il ne peut être raisonnablement soutenu que « Dès 
                que les requérants furent mis en possession des éléments 
                concrets, ils ont fait des démarches nécessaires 
                pour déposer la requête en récusation ».
              En effet, la cour constate que déjà en juin 2010, 
                les demandeurs en récusation se plaignaient des lenteurs 
                de l'instruction et de la proximité du magistrat instructeur 
                et du frère du docteur A. en sorte qu'ils avaient, de ce 
                chef, sollicité un contrôle de l'instruction et qu' 
                en mars 2011, disposant du planning du voyage au Togo établissant, 
                selon eux, les mensonges du magistrat, ils ont informé 
                la presse (un article du Paris Match du 25 mai 2011 est déposé) 
                et se sont ensuite adressés au président du tribunal 
                et au conseil supérieur de la justice.
              C'est dès qu'elles pensaient avoir des raisons de douter 
                de l'objectivité et de l'impartialité du magistrat 
                instructeur que les parties étaient tenues d'entamer une 
                procédure en récusation aussi vite que possible.
              Il se déduit des éléments qui précèdent 
                que les demandeurs en récusation avaient acquis depuis 
                de nombreux mois la connaissance des causes de récusation 
                qu'ils invoquent dans leur requête du 29 août 2011 
                en sorte que l'acte de récusation est tardif et dès 
                lors irrecevable.
              PAR CES MOTIFS
              Vu l'article 24 de la loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues 
                en matière judiciaire,
              Ouï en son avis Monsieur Nicolas BANNEUX, substitut du procureur 
                général délégué, donné 
                en l'audience du 17 octobre 2011,
              La cour, statuant contradictoirement,
              Dit la requête en récusation dirigée contre 
                Philippe OLIVIER irrecevable,
              Désigne l'huissier de justice Maître ANDRIANNE J., 
                dont l'étude est établie à 5000 NAMUR, rue 
                Lelièvre, 8 (tél :081/22.01.29, fax 081/22.97.26), 
                afin de signifier l'arrêt aux parties requérantes, 
                dans les 48 heures à la requête du greffier, conformément 
                à l'article 838 alinéa 3 du Code judiciaire.
              Condamne les demandeurs en récusation aux frais et leur 
                délaisse leurs dépens.
              Arrêt prononcé, en langue française, à 
                l'audience publique de la PREMIÈRE chambre de la cour d'appel 
                de Liège, palais de justice, place Saint-Lambert 16 à 
                Liège, le 24 octobre 2011, par Véronique ANCIA, 
                président, assisté de France MARTIN, greffier, après 
                signature par les magistrats qui ont pris part au délibéré, 
                et par le greffier.
              France MARTIN Véronique ANCIA Robert GERARD Evelyne LAHAYE